Flavius a écrit:Et bien voilà. Encore un camouflet pour Macron. Il a dû décrocher le drapeau européen un jour avant le soi-disant le jour prévu.
Moi je continue à prétendre que si cela n'avait pas un tollé contre cette initiative, il y serait resté en permanence. Quand Castaner dit à Chevenement : " vous savez, les présidentielles sont devenues des élections locales..." la messe est dite. L'Europe gouverne les nations. Et ce drapeau sur nos monuments en est le symbole.
Maintenant on peut parfaitement accepter que la France sorte de l'histoire. Pourquoi pas ? Mais ce n'est évidemment pas mon cas.
Il n'a pas dû décrocher, c'était prévu dès le départ pour la première journée de la présidence.
Quant au drapeau français, il n'est hissé qu'à l'occasion des cérémonies officielles. Il se trouve que là, l'évènement était européen, donc le drapeau était européen.
"Cette polémique autour du drapeau européen sous l’Arc de Triomphe porte en elle nombre des maux de ce début de campagne : postures, course à l’extrême droite, instrumentalisation de l’histoire, obsession identitaire, focalisation sur des sujets secondaires…
La signification symbolique de l’Arc de Triomphe est en permanente évolution depuis sa conception. Au départ, il sert le projet napoléonien d’inscription de son règne dans la lignée de l’Empire romain.
Assez vite, toutefois, et alors même que le monument n’est pas terminé, Napoléon en fait un outil de personnalisation de son pouvoir : la première pierre est posée le jour de son anniversaire, le 15 août 1806.
Puis la première grande cérémonie qui se tient en 1810 dans un ersatz provisoire sert à célébrer… l’entrée solennelle de la nouvelle impératrice Marie-Louise à Paris, en avril 1810.Pour intégrer le nouveau monument toujours inachevé dans leur propre récit, les régimes qui succèdent à l’Empire doivent donc en changer la portée.
Louis XVIII relance timidement les travaux en 1824 afin de célébrer l’expédition du Duc d’Angoulême pour rétablir Ferdinand VII sur le trône d’Espagne.
C’est la Monarchie de Juillet qui achève l’Arc de Triomphe en 1836 et lui donne son aspect actuel. Le régime monarchique est issu d’une révolution : le monument sera donc syncrétique. Toutes les gloires de l’armée française depuis 1792 y seront célébrées.
Napoléon III cherche à capter une partie du prestige d’un monument conçu pour son oncle en y faisant une étape de entrée à Paris le jour du Coup d’État de 1851, mais il a la prudence de pas y faire défiler ses troupes au moment des expéditions controversées d’Italie ou du Mexique.
La guerre de 14 transforme en profondeur la portée du monument. La fête de la victoire du 14 juillet 1919 est la dernière manifestation de l’Union sacrée. Les vainqueurs défilent dans un Paris constellé de milliers de drapeaux jusqu’à l’Arc de Triomphe.
La nuit qui précède, des milliers d’anciens combattants viennent se recueillir sur un cénotaphe en plâtre devant le monument. Mais pour le défilé, on fait retirer l’encombrant dispositif pour permettre aux troupes de passer. Le monument aux morts redevient Arc de Triomphe.
C’est pourtant bien le deuil qui va l’emporter. Dès le 11 novembre 1920, la France inhume un soldat inconnu mort pendant le conflit sous l’Arc de triomphe.
Mais l’Union sacrée est terminée : les socialistes regrettent que la cérémonie ne soit pas l’occasion de célébrer aussi les 50 ans de la République. Leur porte-parole à la Chambre, reproche au gouvernement de transformer la commémoration « en une fête militaire des États-majors ».
Paul-Vaillant Couturier écrit dans l’Humanité : « Amortissez-le votre mort inconnu... Volez-le nous, notre camarade […]. Votre soldat inconnu vous prend par la main et vous guide vers le trou où l’Histoire veut que vous et vos lauriers de papier peint alliez pourrir. »
Mais la mutation est irréversible : impossible désormais de piétiner la « dalle sacrée ». Car c’est là le principal paradoxe de l’Arc de Triomphe : un lieu de triomphe devenu espace de deuil. Un carrefour de défilé transformé en tombeau.
Malgré les derniers feux du 14 juillet 1920, la commémoration de la Grande Guerre n’est plus une fête de la victoire, mais une journée de deuil.
Au cours du XXe siècle, les défilés militaires se feront sur les Champs-Élysées mais ils s’arrêteront avant l’Arc de Triomphe qui est réservé à la cérémonie solennelle et silencieuse du rallumage de la flamme.
La construction européenne vient ajouter une dernière couche à cette évolution. Célébrer la victoire dans une guerre fratricide n’est plus possible. La commémoration des guerres franco-allemandes ne doit plus fêter les victoires ni même pleurer les morts, mais de célébrer la paix.C’est dans cet esprit que Robert Schumann a choisi le 9 mai pour son grand discours européen. Valéry Giscard d’Estaing décide même de supprimer les commémorations officielles du 8 mai pour faire du 11 novembre le jour de la mémoire de « tous les morts de toutes les guerres ».C’est dans cette veine que s’inscrit la présence du drapeau européen pour inaugurer la présidence française de l’UE : après la victoire, après le deuil, c’est l’Europe unie qui triomphe. Le drapeau français s’efface, mais l’arc lui-même symbolise la France qui accueille l’Europe.A chaque fois ces décisions provoquent des polémiques : renoncer à célébrer la victoire, c’est tuer une deuxième fois ceux qui ont donné leur vie pour l’obtenir, disent les uns. Fêter la paix, c’est perpétuer leur mémoire en facilitant la réconciliation répondent les autres.S’ajoutent les débats plus profonds sur la forme qu’a pris la construction européenne : célébrer la paix, soit, mais l’Union européenne telle qu’elle s’est construite répond-elle vraiment aux aspirations pacifistes de ses peuples ?Le symbole choisi par la présidence française est une décision politique, qui construit un récit sur le rôle de l’Europe et la place de la France. La discuter est donc légitime. Le faire de manière argumentée vaudrait mieux. En faire un contrefeu aux autres problèmes est triste.Moralité : la signification de l’Arc de Triomphe n’est pas figée. Personne n’en est propriétaire. Cela vaut a fortiori pour le soldat inconnu, que nul n’est légitime à faire parler.Sources : Gallica, retronews, Annette Becker :
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Thierry Lentz