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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Avec la levée progressive des tabous, l’explosion des applications de rencontres, la facilité d’accès aux contenus pornographiques, l’imaginaire collectif se construit autour d’une vision débridée de la sexualité chez les jeunes - ceux qui ont entre 18 et 25 ans.
Cependant, plusieurs études et sondages semblent montrer une tendance à une moindre activité sexuelle, voire à une "récession sexuelle" pour cette tranche d’âge. Alors, qu'en est-il vraiment ? Les jeunes se désintéressent-ils du sexe ? Font-ils moins l'amour, différemment ou peut-être même mieux ?
Pour répondre à ces questions, Quentin Lafay reçoit Camille Aumont Carnel, entrepreneuse, créatrice du compte Instagram “Je m’en bats le clito” et autrice du guide d’éducation sexuelle #AdoSexo (Albin Michel Jeunesse, 2022), Arthur Vuattoux, maître de conférence en sociologie à l’Université Sorbonne Paris Nord, co-auteur de Les jeunes, la sexualité et Internet (éditions François Bourin, 2020), Daphné Leblond, documentariste, réalisatrice du documentaire Mon nom est Clitoris (2019) sur la sexualité des jeunes femmes, et Balthazar et Noé, deux jeunes venus témoigner de leur rapport à la sexualité.
Pour Arthur Vuattoux, les chiffres communiqués par le sondage de l’IFOP manquent de contextualisation. En effet, ce sondage "a été exécuté sur un petit nombre de jeunes, et ce genre d’études ne remplace pas les enquêtes de grande ampleur. Aussi, il faut lire les données de l’IFOP dans un contexte plus général : les années 2020 et 2021 furent marquées par les confinements et la baisse de moral. On note une stabilité depuis trente ans concernant l’âge du premier rapport sexuel chez les jeunes qui avoisine les dix-sept ans."
Le mouvement #MeToo a-t-il eu un impact dans l’appréhension de la sexualité chez les jeunes ? Camille Aumont Carnel raconte : "Pour l’écriture du livre #AdoSexo, nous avons passé deux ans à enquêter auprès de 1 200 adolescents. Une des questions était de savoir si, dans un contexte post-#MeToo et de libération de la parole, leur sexualité s’était émancipée et ouverte. La réalité est tout autre. Déjà, beaucoup d’adolescents ne savent pas ce qu’est #MeToo. Beaucoup n’évoluent pas dans un univers où l’on parle de façon libérée et décomplexée de la sexualité."
Noé, vingt-cinq ans, ajoute : "On parle assez peu de sexualité avec mes proches, notamment hommes, il est presque convenu que tout va bien. Je pense que la sensibilisation à la sexualité et aux problématiques qui en découlent se fait dans un cercle précis, assez restreint." Arthur Vuattoux nuance : "Cependant, on observe un élargissement de ce cercle. La conscience de genre s’étend avec la sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles, la prévention, le mouvement #MeToo. De plus en plus de jeunes entrent dans la sexualité avec une conscience différente des générations précédentes."
Quels sont les raisons du désintérêt des jeunes pour la sexualité ?
Pour Camille Aumont Carnel, "la différence réside dans le fait que beaucoup de jeunes se disent qu’il est important de se connaître sexuellement avant d’être capable de communiquer et d’interagir intimement à deux. Avant, la sexualité était véritablement un facteur d’intégration. Aujourd’hui, elle devient un sujet parmi tant d’autres comme la santé mentale, l’écologie..."
Beaucoup s’entendent sur le fait que le mouvement #MeToo a eu un véritable impact dans la vie des femmes et dans leur rapport à la sexualité, mais qu’en est-il pour les hommes ?
Pour Camille Aumont Carnel, "la révolution sexuelle masculine n’a pas encore eu lieu. La question est de savoir comment les codes de la révolution féministe peuvent l’engendrer." Arthur Vuattoux confirme : "La révolution sexuelle masculine n’a pas encore eu lieu. Selon moi, une des raisons tient au fait que les hommes tirent toujours profit de cette situation d’asymétrie envers les femmes. Ils cherchent à perpétrer cette norme. Il faut que cela change."
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