par cristaline Lun 20 Déc 2021 - 13:43
Ça, oui, c'est très préoccupant et inquiétant...
RÉCIT - Le ministère de l’Intérieur a annoncé la fermeture de la grande mosquée de Beauvais, où officie ce converti surnommé imam Islem.
Lille
Religions, laïcité, spiritualité, à retrouver dans la lettre de Jean-Marie Guénois.
Barbe fournie, cheveux longs, queue-de-cheval, l’imam Islem aime faire étalage de sa connaissance du Coran. Prêche du vendredi, questions-réponses avec des fidèles en visioconférence ou enseignement magistral: depuis un an environ, il est le personnage central de la grande mosquée de Beauvais - qui accueille chaque vendredi environ 400 fidèles. Lundi, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé avoir enclenché la fermeture administrative de la grande mosquée en raison de «plusieurs prêches qui incitent à la haine, à la violence et font l’apologie du djihad».
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Très actif sur le web, l’imam Islem y a laissé des traces de ses interventions. Avant qu’elles ne soient entièrement effacées ces derniers jours, Le Figaro a pu regarder ces vidéos: des heures d’enregistrement qui permettent de constater que l’imam Islem, toujours habillé d’une longue tunique blanche, donne son avis sur tout. Sur la musique: «Ce qui égare du chemin d’Allah, c’est la musique. La musique a tendance à mener les gens vers la perversion.» Sur l’école: «L’école publique en France n’est pas saine pour nos enfants. Notamment parce que nos sœurs ne peuvent pas porter le voile. Ça c’est problématique.» Sur le couple, citant un prédicateur salafiste: «La règle concernant le fait de frapper sa femme. (…) Ce qui est voulu par les pieux prédécesseurs c’est: un coup dont le but n’est pas d’humilier, ni un coup violent ou fort.»
La question de la formation et du recrutement
Des propos que Hassan Younes, imam d’une autre mosquée beauvaisienne et président du conseil départemental des associations musulmanes de l’Oise, dit découvrir et qui le font réagir vivement: «Ces propos sont graves. Pourquoi rester en France, s’il pense tout cela? Il y a un gros problème d’interprétation et de contextualisation des textes.» Cette affaire, estime-t-il, pose une fois de plus la question de la formation et du recrutement des imams.
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Ses prédications, exprimées en français et en arabe, laissent clairement apparaître une vision rigoriste de l’islam. Sur sa page Facebook, Islem Eddy Abou Ouweys, il indique avoir suivi l’enseignement de l’université islamique de Médine entre 2014 et 2020. Cette université publique saoudienne est reconnue mondialement pour être un organe de diffusion du wahhabisme, un courant proche du salafisme, qui s’appuie sur une interprétation littérale du Coran et une volonté de revenir aux sources de l’islam.
«Apologie du djihad»
De son vrai nom Eddy L., l’imam Islem est un Français converti à l’islam. Il a été lycéen à Creil (Oise). Il a aujourd’hui 27 ans et semble d’ailleurs bien conscient de l’illégalité de ses prises de position: «Je sens que je dois faire attention à ce que je dis. Quelquefois, je ne peux pas dire ce qui devrait pouvoir se dire, ce que la loi devrait me laisser dire. Ce n’est pas normal. Au Canada et en Angleterre c’est pas du tout comme ça», lance-t-il encore au cours d’une séance de questions-réponses dans la mosquée.
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La retenue affichée par l’imam Islem n’a visiblement pas frappé le ministère de l’Intérieur, bien plus convaincu par sa sincérité lorsqu’il tient des propos «faisant l’apologie du djihad et des combattants qu’il qualifie de héros». Pour l’imam Islem, le djihad serait même un «devoir» pour les musulmans. À ce propos, la radio Europe 1 a retrouvé cet enregistrement: «T’as peur de quoi en fait, tu fais ce qu’Allah t’a demandé, les ordres qu’il t’a demandés. T’auras pas peur de mourir.»
Il est également reproché à l’imam Islem de «tenir des propos qui incitent les fidèles à rompre avec la République». Dans une vidéo, Eddy L. affirme par exemple que «la France, en tant qu’État, a des valeurs qui sont amenées à contredire l’islam.»
Éviter les amalgames
L’association qui gère sa mosquée n’a plus que quelques jours pour présenter un contre-argumentaire à la préfecture de l’Oise. Elle pourra aussi contester l’éventuelle décision de fermeture auprès du tribunal administratif.
«On a le sentiment que quelques phrases ont été sorties de plus de 150 heures de prêche en ligne. L’association refuse qu’on lui colle l’image d’une mosquée radicale ou en contradiction avec les principes de la République», affirmait, dans Le Courrier Picard, Me Bolaky, avocat d’Espoir et fraternité, qui n’a pas souhaité répondre aux questions du Figaro. L’association, qui gère le lieu de culte, dit avoir suspendu l’imam pour l’instant.
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À Beauvais, on veut désormais éviter les amalgames. «La ville de Beauvais tient à préciser, que dans ces situations toujours sensibles, il convient de ne pas assimiler les prêches d’un ou de quelques-uns avec l’ensemble des Français de confession musulmane pratiquant leur religion dans le respect des règles de la République», affirme dans un communiqué la maire, Caroline Cayeux (ex-LR, proche de LREM).
Selon le ministère de l’Intérieur, 99 des 2623 mosquées et salles de prières françaises ont été soupçonnées de séparatisme et contrôlées ces derniers mois. La grande mosquée de Beauvais, en travaux depuis cinq ans, fait désormais partie des six lieux de culte qui «font l’objet d’une instruction qui permettra d’engager une fermeture, notamment sur la base de la loi séparatisme».
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