Le premier ministre sortant Jean-Marc Ayrault n’était pas le plus dépensier de l’ancienne équipe de Matignon à en croire le document révélé par Le Figaro, " les 100 pages du dernier ’jaune budgétaire’ annexé au projet de loi de finances 2014 ".
Contrairement à plusieurs de ses ministres, il était plus ou moins dans la retenue en ce qui concerne le montant des revenus bruts complémentaires qu’il accordait aux membres de son écurie. Dans le palmarès des plus dépensiers figurent en premier Anne-Marie Escoffier, alors ministre déléguée à la Décentralisation qui distribuait à 4 de ses éléments 42 478€ annuels, par personne. En seconde position se trouvait Aurélie Filippetti (Culture) avec 42 123€ annuels chacun pour 11 de ses collaborateurs. Puis Sylvia Pinel (Artisanat) ferme le trio avec les 40 195€ qu’elle distribuait annuellement à chacun de ses 8 partenaires.
Les autres anciens ministres qui figurent dans le top 10 des moins pingres sont notamment Fleur Pellerin du ministère des PME (37 682€ par personne pour ses 7 collaborateurs), Marylise Lebranchu du ministère de la Décentralisation et de la Réforme de l’Etat (36 278€ à chacun des 7 membres de son équipe), Dominique Bertinotti de la Famille (36 043€ par collaborateur qui était au nombre de 6). L’actuel chef du gouvernement, alors ministre de l’Intérieur, accordait à chacun de ses 13 collaborateurs 35 321€ annuels. Ceux de l’ancienne ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Geneviève Fioraso - au nombre de 10 - ont pour leur part perçu chaque année 35 091€. 34 250€ pour chacun des 7 éléments qui composent son écurie pour celle qui officiait au ministère du Commerce extérieur, Nicole Bricq, contre 34 164€ par tête pour 8 personnes pour celui de l’Education nationale, Vincent Peillon. L’ancien ministre du Budget Bernard Cazeneuve, ferme la liste en ayant offert à chacun de ses 13 collaborateurs une prime annuelle de cabinet de 33 585€.
Cécile Dufflot de l’Egalité des territoires et du Logement devance d’un rang l’ancien locataire de Matignon en distribuant chaque année 33 540€ par collègue (elle en avait 10) contre 33 060€ pour 67 membres de son équipe.
Celui qui fut à la tête des Outre-Mer, Victorin Lurel, se retrouve à la 14è position avec 31 631€ à chacun des 10 éléments, suivi de François Lamy du ministère de la Ville qui a donné 30 193€ à chaque collaborateur, 5 en tout, G. Pau-Langevin (Réussite éducative), 30 137€ par tête pour ses 4 collaborateurs et Yamina Benguigui de la Francophonie, 29 888€ par personne pour ses 5 partenaires.
Les trois derniers ministres révélés dans le classement sont entre autres Christiane Taubira (Justice), 26 008€ (par personne, pour 17 personnes), Arnaud Montebourg (Redressement productif) 26 008€ pour chacun de ses 11 partenaires et enfin H. Conway-Mouret des Français à l’étranger qui proposait à 9 de ses éléments une prime annuelle de 25 681 € chacun.
Ces " Indemnité pour sujétions particulières " (ISP) dont le montant annuel est déclaré dans le document que s’est procuré Le Figaro ne concernent que " les équipes politiques ". D’autres dépenses sont en effet affectées aux autres personnels qui travaillent pour le compte d’un ministère, notamment ceux qui occupent des " fonctions de support " comme les gardes du corps, chauffeurs, secrétaires, cuisiniers, serveurs, maîtres d’hôtel, femmes de chambre. Sous l’ère Ayrault, ils se comptaient environ 2500 personnes et percevaient chacun entre 200 et 500 euros de prime mensuelle.
"Le socialisme s'arrête là où s'arrête l'argent des autres", disait-elle comme un sniper atteint sa cible du premier coup. Au pouvoir, la gauche s'est toujours comportée avec l'argent des autres comme si c'était le sien. Quel que soit le contexte, quels que soient les résultats de sa politique, quel que soit le niveau de pauvreté du peuple. L'année dernière, rien que pour les membres des cabinets ministériels, c'est-à-dire une part infime des gens qui nous gouvernent mal et chèrement, ça a coûté 12 millions d'euros. Si le Conseil d'État était saisi de l'affaire, il annulerait rétroactivement ces versements au nom d'un bilan coût-avantage défavorable à la puissance publique. Personnellement, je pense que ça mérite la correctionnelle pour soustraction frauduleuse de la chose d'autrui, c'est-à-dire le vol.
Ainsi que le révèle Le Figaro, qui s'est tapé les 100 pages de tableaux du dernier "jaune budgétaire" annexé au projet de loi de finances 2014, autrement dit un document à la forme la plus obscure possible pour tenter d'en dissimuler le fond, "les ministres les plus généreux ont distribué par collaborateur plus de 3 500 euros mensuel de revenus bruts complémentaires. Plus de deux smic par mois, en somme. En plus du salaire, donc. Et il ne s'agit là que d'une moyenne". Comprenez que des gens qui ont augmenté les impôts de 60 milliards depuis 2012, qui n'ont pas su faire baisser le chômage, ni la dette, ni le déficit commercial, ni la délinquance, et qui ne réforment rien sérieusement, attendant les bras ballants une reprise qui ne vient pas au nom d'une absurde conception cyclique de l'économie, bref, qui administrent le pays comme le capitaine du Titanic manoeuvrait son paquebot, ces gens-là estiment être fondés à se verser les uns les autres l'argent qu'ils prennent sur les travailleurs et qu'ils ne donnent pas aux pauvres.
Qu'ils aillent faire un tour dans le privé !
J'entends toujours les membres des cabinets ministériels m'expliquer qu'ils sont bien payés parce qu'ils travaillent beaucoup, qu'ils subissent un stress très important et dorment peu. Ils ne vont pas jusqu'à affirmer devant moi qu'ils font cela pour le bien du pays, reconnaissant que c'est avant tout leur petite carrière qui les préoccupe (et il faut dire que, sur un CV, ça fait toujours bien, où qu'on souhaite aller par la suite). Il faudrait que ces gens aillent dans n'importe quelle entreprise normale, ce qu'ils n'ont souvent jamais fait de leur vie, et ils s'apercevraient que n'importe quel job, payé deux ou trois fois moins pour les mêmes diplôme et expérience, demande qu'on travaille beaucoup, qu'on subisse un stress très important et qu'on dorme peu. La vérité, c'est que les cabinets ministériels, lieux de toutes les cooptations et de toutes les incompétences, sont des îlots en dehors du réel pour normaliens et sciences-pistes des beaux quartiers de Paris. Le poisson pourrit toujours par la tête, disait Mao Tsé-toung, leur grand
inspirateur.
Ces très «chères» associations
34 milliards d'euros de subventions sont accordées chaque année par l'État et les collectivités locales à 250.000 associations. À l'heure des restrictions budgétaires, enquête sur l'étonnante opacité qui entoure le financement public des associations.
Il existe en France un curieux document. Certains, fiers de connaître son existence, entourent son nom d'une pointe de mystère ; d'autres, mieux initiés, chuchotent qu'il est plein d'erreurs... Quelques esprits chagrins osent même le déclarer inutilisable! Ce document, c'est le jaune budgétaire, un pavé en trois volumes de 500 pages chacun dressant la liste de toutes les subventions accordées par l'État à quelque 10.000 associations. Une somme publiée par Bercy tous les deux ans seulement.Piochant dans le cru 2012, correspondant aux subventions versées en 2010, on découvre au hasard: «L'Association sociale nationale des Tsiganes évangélistes: 144.500 euros ; l'Association de coordination technique agricole: 4.967.439 euros ; l'Académie de billard de Palavas-les-Flots: 2000 euros ; l'Association de pétanque livradaise: 95 euros accordés par les services du Premier ministre.»
Parfois, un montant vraiment plus élevé que les autres attire l’œil. C'est le cas de l'Association nationale de formation professionnelle des adultes (Afpa) à laquelle l'État a donné très précisément 225.912.988 euros. Près de 226 millions d'euros! «Une aberration juridique», précise Viviane Tchernonog, l'une des rares chercheuses qui travaillent sur les associations, au CNRS et à l'université de Paris 1, car l'Afpa, bras armé de la formation professionnelle en France, n'a rien à faire dans ce document aux côtés d'une amicale bouliste ou d'une troupe de théâtre de rue. «Elle ne devrait pas figurer là, relève Mme Tchernonog, l'erreur devrait bientôt être corrigée.» Les subventions, elles, sont bien réelles!Aucune explication, aucune synthèse ne viennent égayer la monotonie de cet interminable répertoire. Toute l'aberration du système est là, dans cette accumulation d'informations inutilisables, ce saupoudrage de données, cette fausse transparence qui masque une volonté d'entretenir l'opacité.
Même les parlementaires chevronnés n'y comprennent souvent rien et demandent régulièrement à Bercy une amélioration du fameux jaune ainsi que la création d'«une base de données des associations». En vain. «Le jaune budgétaire est une insulte à la démocratie parlementaire depuis 1962», s'insurge Pierre-Patrick Kaltenbach, énarque, ancien magistrat de la Cour des comptes, auteur d'Associations lucratives sans but (1995) et inlassable observateur de la vie associative française. Résultat: les contribuables financent sans le savoir des dizaines de milliers d'associations à coups de milliards d'euros. Bien qu'il n'existe aucune centralisation des données, les chercheurs estiment que l'État, les collectivités locales et autres structures publiques allouent chaque année 34 milliards d'euros au secteur associatif, couvrant près de la moitié de son budget (70 milliards). L'État, selon le centre d'économie de la Sorbonne, distribue 22,5 % de cette somme, les communes 26 %, les départements 22,5 %, les Régions 11 %, les organismes sociaux et l'Europe 18 %.
Les fonctionnaires, premiers servis par l'État
Charité bien ordonnée... l'État se sert royalement. Chaque ministère entretient à grands frais ses bonnes oeuvres, gérées la plupart du temps par les syndicats. Rien qu'à Bercy, l'Association pour la gestion des restaurants des administrations financières (Agraf) a reçu en 2010 un chèque de 10,3 millions d'euros. On comprend pourquoi toute tentative de sous-traiter la restauration des agents à un prestataire privé se heurte à un tollé syndical... L'Association pour le logement du personnel des administrations financières (Alpaf), qui possède un parc de plus de 10 000 logements dans toute la France, a perçu une subvention de 23 millions d'euros. Quant à l'Association touristique, sportive et culturelle des administrations financières, elle a touché 5,24 millions d'euros...
«Alors que la proposition de loi Perruchot a tenté d'accroître la transparence des comités d'entreprise, précise Agnès Verdier-Molinié, directrice de l'Ifrap, un think tank libéral, rien n'a été mené pour l'instant concernant les comités d'entreprise publics et leurs activités sociales.» Certains sont clairement identifiés: le ministère de la Justice accorde bon an, mal an, 9 millions d'euros à la Fondation d'Aguesseau, le CE des personnels de la Justice. «Mais la plupart de ces CE demeurent discrets, voire occultes, et se retrouvent, sans aucune exhaustivité, au milieu des financements associatifs des ministères, déplore Agnès Verdier-Molinié. Pourtant, il apparaît que l'État finance l'action sociale de ses fonctionnaires à hauteur de 931,2 millions d'euros, tandis que les collectivités locales, pour autant que l'on sache, accordent à leurs salariés des subventions de l'ordre de 400 millions par an.»
Car aussi indigeste soit-il, le jaune budgétaire a le mérite d'exister. En revanche, il n'existe aucun moyen d'avoir une vision d'ensemble des subventions versées par les collectivités locales: les communes de plus de 3400 habitants sont obligées de dresser une liste des subventions qu'elles accordent aux associations et de la diffuser par voie électronique. Mais rares sont celles qui le font et seuls les bénéficiaires savent ce qu'ils touchent. «Il n'y a pas de fichier centralisé, précise Stanislas Boutmy, directeur de l'agence de notation Public Evaluations System, et dans leurs documents budgétaires, les collectivités locales ne font aucune différence entre les subventions versées à des associations et celles données aux personnes de droit privé à but lucratif. Pour s'y retrouver, il faut aller à la pêche dans les documents annexes!»
La cinémathèque, à Bercy. L'État lui octroie 20,1 millions d'euros pour organiser des expositions et des rétrospectives.La cinémathèque, à Bercy. L'État lui octroie 20,1 millions d'euros pour organiser des expositions et des rétrospectives.
Un véritable secteur parapublic associatif
Pourquoi tant de cachotteries? Est-ce parce qu'un tout petit nombre d'associations touchent un véritable pactole? Pour Viviane Tchernonog, si 80 % des associations ne reçoivent aucune subvention, «seulement 7 % des associations reçoivent 70 % des subventions publiques». Même si les montants qui leur sont accordés tendent à diminuer, les associations culturelles ont depuis longtemps pris l'habitude de courir après les subsides publics. Chaque festival de théâtre, de musique traditionnelle, d'électro, d'opéra, d'arts de la rue... reçoit sa ou ses subventions. «Les concerts subventionnés ont remplacé les bals de charité, qui, eux, étaient payants!» souligne, non sans humour, Pierre-Patrick Kaltenbach. L'Académie Fratellini, qui forme des jeunes à l'art du cirque, a ainsi reçu pour 2010 391.094 euros de la Région Île-de-France, et 776.925 euros de l'État. Le Festival d'Avignon a perçu 7,86 millions d'euros de subventions d'exploitation pour 2010, et le Festival d'Aix-en-Provence, 9,3 millions, pour ne citer que des stars...
Les associations de défense des droits bénéficient elles aussi de confortables subventions qui viennent se superposer aux budgets de toutes les structures publiques créées au fil du temps. Les Français financent déjà un Comité permanent de lutte contre les discriminations, un Observatoire des discriminations, un Observatoire des inégalités (feu la Halde), un Haut Conseil à l'intégration, une Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. Savent-ils que
Les associations de défense de droits sont en grande partie financées par le contribuableLes associations de défense de droits sont en grande partie financées par le contribuable
l'État a aussi donné, par exemple, en 2010, 110.000 euros à l'Afic (Accueil et formation pour l'intégration et la citoyenneté) pour former des élèves journalistes à la lutte contre les discriminations et les préjugés, 125.000 euros à Act Up Paris, 20.000 euros à Ni putes ni soumises, ou qu'il finance encore largement SOS Racisme malgré les déboires de ses dirigeants?
Mais le gros des subventions publiques nourrit le secteur parapublic associatif, auquel l'État et les collectivités locales délèguent des missions de service public et qu'ils financent donc en conséquence. Les associations gèrent ainsi la quasi-totalité de l'aide aux handicapés et de leur insertion, de nombreuses maisons de retraite, un réseau dense et efficace d'aide à domicile aux personnes âgées dépendantes, un lit d'hôpital sur dix, la moitié des crèches, tout le réseau des Udaf (Unions départementales des associations familiales), des centres de vacances, de classes de découverte, d'activités périscolaires-scolaires... Les associations représentent aussi un cinquième des enfants scolarisés puisque la plupart des écoles privées sont organisées en associations. Elles font le plus souvent un travail remarquable pour des salaires inférieurs à ceux des fonctionnaires, des horaires et une implication bien supérieurs.
Plus rarement, certaines associations sont devenues des instruments politiques, comme c'est le cas à Paris, ou dans la tentaculaire confédération de la Ligue de l'enseignement .«Les collectivités n'ont pas beaucoup de moyens d'intervenir dans l'économie, explique Stanislas Boutmy. Soit elles font intervenir leur personnel, soit elles font intervenir un tiers en lui achetant une prestation après l'avoir choisi par appel d'offres, soit enfin, elles lui donnent une mission et elles le subventionnent. Les départements financent, entre autres, des associations de transport scolaire, les collèges privés sous contrat, et les Régions, les lycées privés sous contrat ou les établissements d'enseignement supérieur professionnels.» En fait, le recours aux structures associatives permet aussi aux collectivités locales de faire des dépenses publiques sans augmenter encore le nombre de fonctionnaires territoriaux, qui a déjà bondi de plus de 40 % en dix ans!
L'Institut catholique à Paris. Les écoles et les universités privées sont organisées en associations. Ainsi elles représentent un cinquième des enfants scolarisés.L'Institut catholique à Paris. Les écoles et les universités privées sont organisées en associations. Ainsi elles représentent un cinquième des enfants scolarisés.
Un recours systématique aux associations
Ce système va loin. La plupart des syndicats d'initiative, les comités du tourisme ne sont-ils pas organisés en associations? Les comités de tourisme reçoivent ainsi plusieurs millions d'euros chaque année (3,34 millions d'euros pour celui d'Aquitaine en 2009, 3,54 millions d'euros en Alsace en 2010, 6,64 millions d'euros de subvention de la Mairie de Paris pour son office de tourisme et des congrès). Dans chaque Région, des structures para-économiques sont organisées en associations subventionnées, comme l'Agence régionale de l'innovation en Alsace (1 million d'euros de subvention de la Région en 2010), ou Airparif (1,5 million de l'Etat).Est-il légitime que de telles structures soient associatives? «Il n'est pas sain que les collectivités publiques recourent systématiquement aux associations pour conduire des activités pour lesquelles d'autres cadres de droit public existent», préconisait déjà le député UMP Pierre Morange il y a quatre ans...
«D'une liberté tocquevillienne, on a fait un outil de facilité, une courroie de transmission pour le pouvoir en place», dénonce encore Pierre-Patrick Kaltenbach. Depuis plusieurs années, il fait partie du Comité de la charte du don en confiance, un organisme d'agrément et de contrôle des associations auquel ont déjà adhéré près de 60 associations soucieuses de leur transparence financière, de la qualité de leur communication et de leur action comme le Comité Perce-neige, la Croix-Rouge française, l'Association Valentin Haüy, les Restos du coeur, le Secours populaire, les Apprentis d'Auteuil... La grande force de ces associations est de bénéficier d'une grande visibilité et de garder un bon équilibre entre salariés et bénévoles, subventions et dons. Un début. Mais on est encore loin de la transparence instaurée en Grande-Bretagne depuis 2006, où un Office of the Third Sector, directement rattaché au Premier ministre, met en oeuvre la politique en direction des associations et coordonne les actions des différents ministères. Il dispose d'un rapport annuel fort complet de la Charity Commission où chaque subvention publique, quelle que soit sa provenance, est détaillée, expliquée, justifiée. Un exemple à suivre?