par cristaline Jeu 19 Oct 2023 - 20:12
les alertes à la bombe multipliées, partout, en France :
DÉCRYPTAGE - Alors que ces messages malveillants perturbent le pays, leurs auteurs, souvent très jeunes, encourent jusqu’à deux ans de prison.
Des «petits guignols». En une formule qui fait mouche, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, a dit mercredi toute la colère et l’agacement des pouvoirs publics face à la vague de fausses alertes à la bombe qui déferle sur le pays. 18 personnes ont été interpellées à la suite de ces alertes, alors qu’heure après heure, par mails ou via des appels téléphoniques, des messages anonymes plus inquiétants les uns que les autres sont envoyés à haut débit aux institutions recevant du public, aux entreprises de transports publics ou encore aux établissements scolaires
À Bordeaux, Nantes, Lille et Montpellier, des vols ont été déroutés tout au long de la journée alors que pas moins de quatorze aéroports avaient été évacués la veille. À Lille, «l’aérogare a été vidée de ses voyageurs pendant environ trois heures, indique-t-on. Quelque 300 personnes ont été évacuées, trois vols ont été retardés.» À Beauvais, «la situation était assez exceptionnelle», selon une porte-parole qui précise: «D’habitude, on a plutôt des bagages abandonnés. Mais là, c’était pour nous une première de devoir évacuer l’ensemble des bâtiments en même temps!»
Principe de précaution»
À quatre reprises en cinq jours, le château de Versailles a été contraint de demander à ses visiteurs de partir sans délai, alors que le niveau d’alerte a été relevé en France après l’attaque d’Arras. Les trois premières fois, le signalement de la menace est passé par la plateforme moncommissariat.fr, a précisé la préfecture.
Au Musée du Louvre, qui a dû évacuer quelque 15.000 personnes samedi - y compris les visiteurs du Musée des arts décoratifs et de la galerie commerciale du Carrousel -, on reste serein: «Notre exposition “Le trésor de Notre-Dame”a ouvert mercredi, avec un contrôle renforcé, détaille-t-on. Il y a toujours autant de monde - on accueille 30.000 personnes par jour actuellement, notre jauge maximale - et les gens n’ont pas du tout l’air inquiets. La sécurité des visiteurs et des collections nationales est notre priorité numéro un. Nos protocoles, mis en place avec les autorités compétentes, sont régulièrement réévalués.» Le passage en «alerte urgence attentat», décidé vendredi par la première ministre, a naturellement pour conséquence d’accentuer la vigilance, particulièrement lors des contrôles d’accès.
En visite à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis le même jour, Éric Dupond-Moretti a enfoncé le clou, prévenant que les «petits plaisantins» seront «retrouvés» et «punis». «Je demande aux procureurs d’être très réactifs, d’être fermes et de systématiquement poursuivre les actes d’apologie du terrorisme ou les expressions antisémites», a ajouté le garde des Sceaux. Même si les auteurs croient pouvoir agir en toute impunité, la police prévient que des «investigations téléphoniques et informatiques sont effectuées afin d’identifier le ou les auteurs des faits». Dans la majorité des cas, ces délinquants sont très jeunes, à l’image des sept mineurs âgés de 13 à 16 ans interpellés lundi, dans le Val-de-Marne, où ils sont soupçonnés d’avoir émis 25 messages malveillants.
Lancer une fausse alerte à la bombe est sévèrement réprimé. L’article 322-14 du code pénal stipule que «le fait de communiquer ou de divulguer une fausse information dans le but de faire croire qu’une destruction, une dégradation ou une détérioration dangereuse pour les personnes va être ou a été commise est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende.» Sans compter les dommages et intérêts pour les personnes morales ou physiques qui se porteraient partie civile. Sollicitées jeudi encore par des alertes à la gare et dans des écoles de Toulouse, au lycée Arago à Paris, par une menace d’attentat sur Mulhouse ou encore une rumeur de collège piégé à Colmar, les policiers interviennent sans relâche en serrant les dents. Car, dans le flot des alertes, pourrait se trouver une menace bien réelle. Si 200 procédures judiciaires pour appels malveillants sont ouvertes en moyenne chaque année, l’expérience antiterroriste montre que les djihadistes ne préviennent jamais avant de passer à l’acte.