"La liberté est dans le hidjab" : retour sur la campagne du Conseil de l'Europe qui fait polémique
Le Conseil de l'Europe a diffusé des supports visuels et une vidéo dans le cadre d'une campagne de lutte contre les discriminations prônant des messages comme "la liberté est dans le hidjab" avant de les retirer sous pression du gouvernement français, et après le déclenchement d'une polémique.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]"La beauté est dans la diversité comme la liberté est dans le hidjab" affirme cette campagne du Conseil de l'Europe financée par la Commission européenne.
Conseil de l'Europe.
Vous ne trouverez plus les images de la campagne sur le site du Conseil de l'Europe.
"Les supports visuels, qui ont été développés par les participants de notre récent atelier sur l'élaboration de récits fondés sur les droits de l'Homme pour contrer le discours de haine antimusulman [...] sont en cours de révision", indique un message en anglais. En quelques heures, l'organisation internationale basée à Strasbourg a reculé face à la
naissance d'une polémique sur les réseaux sociaux mardi 2 novembre.
De l'extrême droite au Parti socialiste, le slogan
"la beauté est dans la diversité comme la liberté est dans le hidjab" a entrainé de vives réactions, jusqu'à ce que le gouvernement français demande au Conseil de l'Europe de retirer cette campagne.
"On peut considérer que cette campagne a été faite en dépit du bon sens, parce qu'il ne faut pas confondre la liberté religieuse, avec la promotion, de facto, d'un signe religieux", estimait le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal à l'issue du Conseil des ministres, mercredi 3 novembre.
Qui a conçu cette campagne ?
De quoi parle-t-on ? D'abord d'une vidéo où l'écran est scindé en deux, et où l’on voit différents portraits de femmes jeunes et souriantes défiler. D’un côté il s'agit de femmes non voilées, de l'autre ce sont des femmes qui portent le hidjab. Puis un message apparaît en anglais :
"La beauté est dans la diversité comme la liberté est dans le hidjab. Célébrons la diversité. La joie dans le hidjab". Des supports visuels adaptés aux réseaux sociaux faisaient également partie de cette campagne. Les portraits présents dans la vidéo y étaient repris avec des slogans comme :
"Mon voile, mon choix".
Cette campagne a été conçue lors d'un atelier coorganisé les 27 et 28 septembre par le Conseil de l'Europe et par le Forum des organisations européennes de Jeunes et d'étudiants musulmans (Femyso), et la diffusion des slogans tirés de cet atelier était prévue comme on peut le lire sur le site du Conseil de l'Europe :
"Les mois d'octobre à décembre seront consacrés au partage en ligne de votre campagne, de sorte qu'ensemble nous pourrons agir pour remplacer les discours de haine antimusulmans par des récits basés sur les droits de l'Homme".
Le Conseil de l'Europe n'assume plus
La campagne lancée jeudi 28 octobre par le Programme pour l'inclusion et la lutte contre les discriminations, fait partie d'un projet géré par le Conseil de l'Europe et
cofinancé par l'Union européenne à hauteur de 340.000 euros. Mais mardi 2 novembre le Conseil a retiré le matériel de la campagne de son site et fait le ménage sur le compte twitter du Programme pour l'inclusion et la lutte contre les discriminations.
À la presse, le Conseil de l'Europe diffuse les mêmes éléments de langage : la vidéo et les supports visuels
"reflétaient les déclarations faites de manière individuelle par des participants dans l’un des ateliers du projet et ne représentent pas la position du Conseil de l’Europe ou de sa Secrétaire générale". Le Conseil assure vouloir
"réfléchir à une meilleure présentation de ce projet", tandis que le responsable de l'organisation chargé de la lutte contre les discriminations envers les musulmans restait injoignable mercredi 3 novembre.
Le Conseil de l'Europe se dédouane donc sur les participants à cet atelier (une trentaine selon nos informations), organisé à la fin septembre. Pourtant, le logo de l'institution est bien présent sur le matériel de la campagne initialement diffusée.
Quel rôle joue le Forum des organisations européennes de jeunes et d'étudiants musulmans ?
Du côté du Forum des organisations européennes de jeunes et d'étudiants musulmans (Femyso), on regrette le retrait du matériel de la campagne.
La structure qui coorganisait les ateliers préparatoires à la campagne à la fin septembre juge "désolant qu'il y ait eu une telle réaction", par la voix de sa vice-présidente Hiba Latreche. Pour cette étudiante en droit à Strasbourg
"c'est profondément préoccupant de voir que cette campagne de lutte contre les discours haineux envers les musulmans est attaquée de la sorte. Malheureusement cela reflète la situation en France et plus largement la réalité de l'islamophobie. Notre gouvernement et nos élites politiques, au lieu de lutter contre les discriminations institutionnelles, marginalisent et invisibilisent les femmes musulmanes". La vice-présidente de la Femyso ne veut pas parler à la place du Conseil de l'Europe, mais confie que l'institution admet avoir retiré le matériel de campagne
"suite à des pressions".
Mais ce qui semble avoir pesé dans la réaction du Conseil de l'Europe est également
la réputation du Femyso : celle d'être l'une des principales organisations liées au mouvement des Frères musulmans en Europe. Ce que le Forum dément fermement sur son site, et ce que sa vice-présidente qualifie
"d'allégation diffamatoire". La militante présente le Femyso comme "
une structure parapluie composée de 33 organisations membres à travers 20 pays européens, fière d'être gérée exclusivement par son conseil d'administration composé de jeunes européens engagés". Pour autant, l'une des anciennes responsables du Forum est Intissar Kherigi, la fille de Rached Ghannouchi, l'ancien dirigeant tunisien et chef du parti islamiste Ennahdha (inspiré par les Frères musulmans). Exerçant alors des responsabilités au sein du Femyso, Intissar Kherigi avait participé en 2011 à l'élaboration d'un rapport conjoint du Conseil de l'Europe et du Forum intitulé : "Combattre l'islamophobie par le travail interculturel et interreligieux". Document dans lequel on retrouve aussi la trace d'une intervention de Tariq Ramadan, théologien suisse et petit-fils du fondateur des Frères musulmans. Intissar Kherigi "
n'est plus dans les organes décisionnaires de la Femyso", rétorque Hiba Latreche qui réaffirme que son organisation
"n'a aucun lien avec un autre groupe, ou parti politique".[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]